Extrait de "TRAIT D'UNION du Collectif Carl ROGERS"   n° 11, décembre 2008

 

" l’empathie",

communication faite au séminaire Traverses du 14 juin 2008, par Josette PARISET.

Historique de l’empathie

La notion d’empathie (traduction du mot allemand einfühlung) apparaît avec Vischer en 1873 pour rendre compte d’une sensibilité esthétique liée à la projection de nos états affectifs dans les objets. Cette notion est ensuite élargie à la compréhension subjective d’autrui. Elle est proche de la notion de sympathie d’Adam Smith (1759) ou évoque la notion de pitié de J-J. Rousseau (1755).
Terme utilisé par les psychanalystes (Freud l’introduit en 1905). Désigne deux tendances chez l’être humain : celle qui nous conduit à imiter les émotions des autres, celle qui nous pousse à relier notre vécu affectif actuel à des expériences analogues antérieures. Utilisée par Ferenczi ( 1928 ) avec la notion de « tact », puis par Kohut (dès 1959) avec le développement de la
« psychologie du self »
Le modèle empathique de Kohut prend sa source dans la communication archaïque où le bébé au début de sa vie serait dans une fusion quasi totale avec l’état émotionnel de l’autre. L’empathie trouverait son fondement dans la relation mère-enfant.
Winnicott
souligne ensuite l’importance d’une attitude empathique adéquate de la mère avec la notion de « préoccupation maternelle primaire ». Inversement, se pose «le soucis» que le bébé peut éprouver à l’égard de sa mère qui le conduit à la ressentir emphatiquement.

Et bien sûr Carl Rogers. Dès 1957, il définit sa pratique de l’approche centrée sur la personne et les trois conditions facilitatrices du changement : la congruence, le regard positif inconditionnel, la compréhension empathique.

(D’après M. Warner) Pour les psychanalystes, l’empathie serait un moyen de prendre conscience de ce dont le client n’est pas conscient lui-même, afin d’expérimenter pour eux-mêmes des associations et des éléments du processus primaire de celui-ci dans l'objectif de construire des interprétations. (Une « activité de collecte d’informations » en quelque sorte )

C. Rogers, de son côté se réfère à l’expérience phénoménologique (qui donne la primauté à l’expérience vécue) du client. Pour lui communiquer sa compréhension empathique de ce qu’a voulu dire le client, c’est vérifier avec lui si elle correspond vraiment à sa propre compréhension. L’empathie est avant tout au service de son client.

L’empathie : Selon le Petit Robert : « C’est la faculté de s’identifier à quelqu’un, de ressentir ce qu’il ressent »

Pour Rogers : « l’état d’empathie ou être empathique consiste à percevoir avec précision le cadre de référence interne d’autrui, les composantes émotionnelles et les significations qui s’y rattachent comme si l’on était la personne elle-même, mais sans jamais perdre de vue le « comme si » sinon, on tombe dans l’identification .

 

Empathie et relation mère-enfant  (Trois concepts parmi d’autres.)

 

Le proto-regard dans la naissance psychique du bébé

 (J.M. Delassus. Concept utilisé en maternologie ). L’allaitement : un bébé qui a faim a un éprouvé désagréable sur lequel il n’a aucun repère (éprouvé implosif il a peur , il sent son corps se disloquer ). Dans un premier temps, il va s’absorber à se nourrir pour se restaurer. Puis il se détend et devient disponible à autre chose. S’il a au dessus de lui un visage qui se réjouit, il plonge dans ce regard avec intensité et se nourrit de la présence de cet autre bienveillant qui le regarde et il le met à l’intérieur de lui. Il peut ensuite apaisé, s’installer dans une phase de rêverie et naît à son espace psychique dans lequel il est avec lui et avec l’autre. Les bébés qui ont été privés de ce regard fondateur (mères dépressives, carencées…) et qui n’ont pas commencé leur naissance psychique, ont un œil terne, les yeux enfoncés ou exorbités. Ils évitent le regard et marquent le refus d’être en communication avec l’animé (pas avec l’inanimé). Les autres ont un regard plein et qui brille.

 

Winnicott et le rôle de miroir de la mère.

 « Que voit le bébé lorsqu’il tourne son regard vers le visage de la mère ? Généralement ce qu’il voit, c’est lui même… la mère regarde le bébé et ce que son visage exprime est en relation directe avec ce qu’elle voit » Et que le bébé voit lorsque sa mère ne reflète que sa propre préoccupation ? « Nombre de bébés se trouvent longtemps confrontés à l’expérience de ne pas recevoir en retour ce qu’eux mêmes sont en train de donner. Ceux là regardent mais ne se voient pas eux mêmes …..Une idée s’impose au bébé qui s’y tient, celle qu’il voit, quand il regarde, c’est le visage de la mère. Ainsi donc, la perception prend la place de l’aperception» Il ne peut pas se construire de regard intérieur sur soi, donc pas de possibilité d’enrichissement du soi par la perception du monde et inversement. « Quand je regarde , on me voit, donc j’existe. Je peux alors me permettre de regarder et de voir. Je regarde alors créativement et ce que j’aperçois (aperception) , je le perçois également. »

 

Empathie et types d’attachement.

Bowlby désigne «la disponibilité maternelle» ( notion proche de la préoccupation maternelle primaire de Winnicott, de l’accordage affectif de Stern ) comme un état mental de la mère particulièrement favorable au développement de l’enfant. En lui permettant d’intégrer ses expériences positives et négatives sous forme de représentations, elle devient pour lui «base de sécurité ». Le fait que sa mère se montre «disponible» de façon régulière et suffisamment longtemps, permet à l’enfant de développer une attente confiante car il sait que sa figure d’attachement sera toujours là. Ainsworth détermine que cette «base de sécurité» assurée par la mère dépend de sa sensibilité aux émotions de l’enfant et de sa capacité à lui permettre de réguler l’état émotionnel de celui-ci au moyen de réponses adaptées. La mère peut donc répondre aux besoins de son enfant par des soins qui montrent qu’elle a conscience de l’état émotionnel de celui-ci tout en lui renvoyant une image d’elle-même montrant qu’elle est capable d’y faire face. «L’enfant qui montre un attachement sécure a généralement confiance dans le fait que son parent sera disponible, lui répondra et l’aidera de façon adaptée dans le cas où il serait confronté à des situations adverses ou effrayantes» ( Bowlby ). L’enfant une fois sécurisé devient disponible pour l’exploration. Certains enfants n’ont pas développé un attachement sécure. Ils peuvent avoir un type d’attachement évitant, ambivalent ou désorganisé. «L’enfant évitant n’a aucune confiance dans le fait que s’il cherche des soins, il lui sera répondu de manière utile, mais il s‘attend au contraire à être repoussé. Il tente de vivre sa vie sans amour ni soutien de la part des autres. Il essaie de se suffire à lui même sur le plan affectif» (Bowlby). L’enfant évitant désactive ses comportements d’attachement puisque le parent est indisponible ou indifférent à ses affects. Il aura un accès limité à ses pensées, affects, souvenirs en liens avec ses expériences d’attachement et ne demandera pas d’aide. Dans l’attachement ambivalent, les parents ont été capables de partager les affects mais sans pouvoir y faire face, entraînant l’enfant dans le débordement émotionnel, l’incapacité de les reconnaître et de les maîtriser. Entraîné par ce flot qui le submerge, l’enfant réagit violemment pour stopper ce trop plein émotionnel et en veut à ses parents. « L’enfant ambivalent n’est pas certain que son parent sera disponible, il est toujours soumis à l’angoisse de séparation et se montre angoissé pour explorer le monde. (Bowlby).  Il supportera mal d’être aidé et aura un accès exagéré ou déformé de son expérience d’attachement qui a été perturbée par une charge affective non contrôlée. Il ne peut pas identifier ses émotions sans en être encore déstabilisé. L’enfant ayant un type d’attachement désorganisé (M. Main) a vécu des expériences d’attachement contradictoires avec le même parent (maltraitance, parent traumatisé ou endeuillé) et ne parvient pas à élaborer une stratégie cohérente d’attachement en raison de ces paradoxes. Cela se traduit par des comportements inadaptés, des accès de colère, de l’agressivité, entravant les capacités relationnelles et l’intégration de nouvelles expériences. Ces concepts mettent en évidence l’importance primordiale de l’empathie dans la construction de la personne et permettent en même temps d’appréhender un peu mieux la définition que l’on peut lui donner.

 

Pour conclure : à travers ces exemples, on peut percevoir combien l’empathie de la mère contribue au développement psychique de l’enfant en lui permettant de naître à son espace intérieur, d’accéder à sa propre subjectivité et de développer sa conscience de soi. Pouvoir accéder à sa subjectivité dans la conscience de ce que l’on est, c’est aussi permettre des allers-retours entre l’intérieur et l’extérieur, entre le dedans et le dehors et pouvoir ainsi se développer dans sa capacité à organiser son expérience de soi en lien avec le monde.

Etre empathique, c’est également se montrer disponible pour accueillir l’éprouvé de l’autre et lui montrer que l’on est capable de faire face à ce qu’il vit. C’est garder une distance suffisante pour ne pas tomber dans l’identification et offrir à la personne un cadre suffisamment sécurisant pour lui permettre d’intégrer ses expériences difficiles. L’empathie serait un processus dans lequel le praticien met de côté son propre mode d’expérimentation et de perception de la réalité pour sentir et répondre aux expériences et aux perceptions de son client. Il peut ressentir les pensées et sentiments de son client aussi puissamment que s’ils trouvaient leur origine en lui même et les lui communiquer.

 

L’empathie du point de vue du praticien.

Selon Rogers « l’empathie ou la compréhension empathique consiste en la perception correcte du cadre de référence d’autrui avec ses harmoniques subjectives et les valeurs personnelles qui s’y rattachent. Percevoir de manière empathique, c’est percevoir le monde subjectif d’autrui «comme si» on était cette personne» : On éprouve la peine ou le plaisir d’autrui comme il l’éprouve, on en perçoit la cause comme il la perçoit.

 

L’empathie serait un processus "d'être avec" le client

( d’après « la pratique de la relation d’aide thérapeutique centrée sur la personne » D. Mearns et B. Thorne et autres textes de ou sur Rogers) C’est entrer dans le monde personnel perçu par autrui et s’y trouver comme chez soi mais sans jamais oublier qu’il s’agit des expériences et perceptions de l’autre, pas des siennes propres. Etre avec l’autre de cette manière signifie que pour l’instant, on laisse de côté son propre cadre de référence, ses valeurs, ses préjugés… pour adopter celui de son client. L’écoutant se met en mesure d’apprécier comment son client ressent les événements dans son monde. Il peut éprouver la conscience de l’autre derrière ce que celui-ci communique extérieurement. Par exemple : le praticien qui entre dans le cadre de référence de son client, peut ressentir l’émotion de celui ci même au delà de ce qu’il manifeste : le client rit en évoquant son désarroi. L’écoutant, pour avoir été dans son cadre de référence «sait » que ce qu’il manifeste peut ne pas correspondre à ce qu’il ressent.

Tout en étant distinct. Néanmoins, il importe de ne pas se perdre dans le cadre de référence de l’autre. La qualité « comme si » est un aspect crucial du professionnalisme. Pouvoir éprouver ce que l’autre peut ressentir (de manière plus ou moins consciente) à l’intérieur de son monde, exige de bien garder à l’esprit que cette conscience prend son origine et se déroule chez l’autre et non pas en soi. C’est être capable de travailler avec son client de manière intense et profonde sans être pour autant totalement bouleversé par ses sentiments. Ce contrôle de ses propres émotions est essentiel pour que le client, s’il se sent désespéré et perdu dans son monde, se voie offrir la sécurité, la fiabilité, la cohérence et la sensibilité dont il a besoin. Il doit éprouver que l’on ne va pas se perdre avec lui. Ce n’est pas une technique mais l’art de percevoir les sentiments dans l’ici et maintenant. L’empathie n’est pas une technique de «réponses empathiques» au client (sous forme de reflets), mais une façon d’être en relation avec lui, le résultat d’un processus chez le praticien. La réponse empathique ne porte pas que sur la compréhension des mots du client mais sur la compréhension de ce que celui-ci est en train de vivre. L’écoutant «s’approche assez près pour être complètement chez lui dans l’univers de son client, dans son présent immédiat, là où il est, tel qu’il est…Il ne le pousse vers aucun raccord du passé ni vers aucune anticipation d’avenir.» Il règle son attitude sur le vécu explicité par le client. C’est l’art de percevoir le sentiment qui a été exprimé (ou qui est implicite) et de pouvoir y répondre plutôt que de se centrer sur le contenu intellectuel de ce qui est dit. Cette communication d’une compréhension juste est une part essentielle de la réponse empathique. Le client doit se sentir compris pour que l’empathie ait un impact. « Il faut pouvoir sentir que l’on est dans le même train ou sur le même bateau que le client pour y faire un voyage, quelque chaotique qu’il soit. Parfois ce voyage est doux, parfois le voyageur s’arrête, repart, prend des voies sans issues, laisse tomber ou se sent confus… L’empathie est comme un film dont les réponses empathiques sont des arrêts sur image de ce processus en mouvement.» (D’après Mearns et Thorne ) C’est communiquer ce que l’on perçoit du monde de l’autre. «C’est communiquer ce que l’on perçoit du monde d’autrui avec un regard neuf et dépourvu des craintes de ce qui l’effraie. Cela signifie que l’on vérifie régulièrement avec lui, la précision de son propre ressenti et que l’on est guidé par la réponse que l’on reçoit.» «La juste empathie implique à la fois la sensibilité du praticien aux sentiments de son client dans l’instant présent et sa capacité verbale à faire passer cette compréhension dans un langage qui s’adapte à ce que vit la personne dans l’instant.»

 

 - Remarques au sujet du « reflet » (J. Bozarth ) : Le reflet serait une manière d’aider l’écoutant à devenir empathique en lui permettant de vérifier qu’il comprend bien son client et pour lui communiquer cette compréhension. Le reflet ne serait pas au service du client mais permettrait à l’écoutant d’entrer dans son monde. C’est de se mouvoir dans ce monde qui facilite la croissance du client.


 - Autre remarque : ( J. Bozard ) « la personne est la source de ses ressources et de son expertise propre lorsqu’elle est comprise de manière empathique et acceptée sans conditions par une personne congruente » Elle a, selon Rogers, une tendance à s’autoactualiser. C’est la compréhension empathique d’un autre qui permet à une personne de devenir un thérapeute efficace pour lui-même. Or, aller plus loin que le client ou utiliser la technique du reflet pourrait placer le lieu de contrôle à l’extérieur (chez le praticien) et non en interne (chez le client) .

 

Une échelle d’empathie ( d’après Truax et Carkhuff)

 

Niveau 0 : Aucune compréhension du client en tant que personne (généralités, conseil, jugement …)

Niveau 1 : Compréhension en surface, non spécifique, partielle des sentiments et pensées du client.

Niveau 2 : L’écoutant reflète avec justesse à la fois les pensées mais aussi la qualité et l’intensité des sentiments. Il est sensible non seulement aux propos du client mais également à l’appréciation du non verbal que la personne manifeste et qu’il intègre dans son ressenti. Le fait qu’il puisse utiliser ses propres mots est une confirmation de sa compréhension.

Niveau 3 : La réponse de l’écoutant manifeste une compréhension du client au delà de ce que celui ci exprime, à la limite de son niveau de conscience : Il exprime sa compréhension des sentiments apparents et des pensées du client tout en lui communiquant sa compréhension des sentiments sous-jacents (empathie additive). Exemple: Pouvoir ressentir que derrière la colère exprimée par le client, se trouve cachée de la peur, peut permettre une prise de conscience : la personne découvre qu’elle n’est pas seulement en colère contre son conjoint (parce qu’il la traite comme une enfant) mais effrayée par la possibilité d’une rupture (car elle prend de plus en plus d’autonomie).

Le pouvoir de l’empathie opère lorsque l’écoutant peut sentir quelque chose de juste, à la limite de la conscience du client. C’est ce ressenti qui est l’empathie. Ce ne sont pas les mots qui sont importants. Une réponse non verbale mais puissante aurait pu aider le client à contacter ce qui se trouvait à la limite de la conscience. Néanmoins, une communication de la compréhension des sentiments sous-jacents peut être non appropriée si trop loin du champ de conscience de l’autre et devenir menaçante ou positionner l’écoutant en expert de l’autre.

 

L’expression du non verbal.

 La communication globale du client s’exprime à travers ses paroles et son comportement expressif. Parfois deux messages contradictoires (l’un verbal, l’autre expressif) peuvent être communiqués et c’est à l’écoutant d’ y être sensible et de le refléter. Le comportement expressif de l’écoutant est une part importante de la réponse empathique. La douceur de la voix, la posture, les gestes, bien plus que ses paroles, peuvent refléter l’expérience du client. Exemple personnel : Une petite fille arrive en pleurs dans le dispositif d’accueil parents-enfants séparés. Elle est tombée sur le nez. Je m‘assieds près d’elle et tente tout doucement d’entrer en contact avec elle. Mon attitude est maternante et respectueuse de son espace propre. Elle m’autorise à ce que je m’occupe d’elle et je lui parle tout doucement en tentant de mettre des mots sur ce qu’elle éprouve. Je dis « est ce qu’on s’est moqué de toi ? ». Elle plonge alors intensément son regard dans le mien et je ressens à la fois toute la confiance qu’elle me fait et une profonde et bouleversante détresse. Elle me montre et me donne à éprouver ce qu’elle ressent et je suis très touchée. Je lui signifie par mon regard sûrement ému, l’expression de mon visage et un mouvement de tête que je reçois ce qu’elle m’exprime. Elle renouvellera plusieurs fois ce regard-là puis va se plonger dans la lecture d’un livre.

Définition opérationnelle de l’empathie ( Barret-Lennard )

« La compréhension empathique est un processus caractérisé d’abord par le désir de connaître pleinement, à l’instant même, l’état de perception d’une autre personne ; ensuite, par la disposition d’accueil qui permet de recevoir les communications de cette personne et ce qu’elles signifient ; et enfin par la  traduction des paroles et des signes reçus en une signification vécue qui corresponde pour le moins, à ce qui paraît essentiel à cette personne, dans l’état actuel de sa perception. C’est l’experiencing de la conscience qui est « derrière » la communication extérieure, tout en gardant toujours à l’esprit que c’est en l’autre que cette conscience trouve son origine et que c’est en l’autre qu’elle se développe. »

 

Empathie et centre d’évaluation.

Les personnes qui ont été marquées par le jugement et la critique peuvent avoir un concept de soi dévalorisé. Pour pouvoir garder une image d’elles-mêmes suffisamment bonne, elles peuvent se couper de toute expérience sensorielle signifiante. Elles se privent ainsi de la possibilité d’être en prise directe avec leurs expériences internes propres et leurs sentiments, qui constituent une précieuse source de connaissances pour pouvoir se guider dans la vie et prendre des décisions. Ces personnes coupées du fondement de leur être profond (de leur centre interne d’évaluation) sont vulnérables au regard de l’autre et ont tendance à s’appuyer sur une autorité extérieure ou à chercher à plaire à tout le monde. Elles s’appuient sur un centre d’évaluation externe pour guider leurs décisions. Ces clients, particulièrement sensibles au regard de l’autre, se trouvent dans la position menaçante de ne pas pouvoir se fier à leurs propres jugements, pas plus qu’à leurs perceptions et à leurs sentiments. Ils vont être à l’affût du moindre jugement de l’autre. L’écoutant aura à être vigilant vis à vis de son empathie additive dans ses propos nommant les sentiments sous-jacents qu’il pourrait pressentir chez son client. Celui-ci ne possédant pas la capacité de prendre et de laisser peut se sentir obligé de prendre ces désignations comme la vérité. L’objectif serait plutôt d’aider son client à internaliser son centre d’évaluation donc à l’aider à mieux s’approprier qui il est.

 

Effets de l’empathie.

* Pouvoir s’éprouver comme une personne suffisamment importante pour que quelqu’un fasse l’effort de nous comprendre. Restaure l’estime de soi.
* Avoir été entendu, compris, validé dans son expérience propre, permet de mieux s’accepter, s’écouter, s’estimer. Moins se juger.
* Oser se montrer plus soi-même, plus authentique.
* Donner plus d’importance à ses sentiments, les contacter, exister. Certaines émotions jusqu’alors niées peuvent émerger.
* Encourager une exploration plus profonde de soi et développer ses niveaux de conscience. L’empathie aide à dire
« ça fait partie de moi » Expérimenter l’abandon de certains mécanismes défensifs .
* Selon M Warner, la relation empathique fait vivre une expérience de reconnaissance qui se produit lorsque le message renvoyé rend compte du sens implicite que la personne a de sa propre expérience. Elle éprouve un sentiment immédiat de justesse et devient capable d’être plus attentive emphatiquement à ses expériences et à pouvoir réorganiser spontanément leur compréhension.

 

Les blocages à l’empathie .

* Les propres théories de l’écoutant comme écran qui empêcherait celui-ci de centrer sa propre sensibilité sur le monde individuel de son client.
* Avoir des expériences similaires au client et ne pas pouvoir prendre assez de distance. Risque d’inférence par rapport à ce qu’il pourrait ressentir.
* Les propres besoins et les peurs du praticien : préoccupations, gène, peur de la douleur du client, grande sympathie ou antipathie. Exemple: quelle est ma capacité à recevoir emphatiquement la manière négative dont l’autre se perçoit. Comment entrer avec lui dans ce vécu-là ?
* Besoin de voir le client faire des progrès, d’être utile : trop positiver sans affronter vraiment la difficulté .
* Besoin que son client l’aime, dépende de lui : Il est beaucoup plus difficile d’écouter quelqu’un si son changement nous affecte.
* Pouvoir être suffisamment acceptant de soi-même pour être moins défensif.

 

Empathie et congruence .

Le praticien est congruent quand il est ouvertement lui-même face à son client, quand sa façon de se comporter reflète ce qu’il ressent à l’intérieur de lui-même et que sa réaction à son client correspond à ce qu’il ressent sans faux semblant ni défense . C’est un état d’être du praticien dans son contact avec le client. Exemple : Le client demande si son écoutant le suit bien . « Non, je ne comprends pas… c’est comme si vous aviez pensé cela de façon très complexe et je ne comprends pas où sont vos sentiments dans tout ceci » L’écoutant dans son processus empathique, ressent à travers sa congruence qu’il manque quelque chose pour que la situation devienne claire. Sa réponse congruente a été importante pour que son client en prenne conscience.
L’empathie peut être confrontante lorsqu’elle vient tirer la personne vers des parties d’elle même qu’elle a à découvrir. Il peut être perturbant pour le client d’être entraîné dans une exacerbation émotionnelle. La présence de l’écoutant qui ne craint pas d’entrer dans la douleur ou l’angoisse de l’autre, sa propre congruence, vont permettre d’accueillir l’émotion, tout en la contenant afin de permettre sa régulation. Cette présence est une base de sécurité, un rempart contre le débordement, l’envahissement émotionnel de la personne.

 

Empathie et regard positif inconditionnel.

C’est l’attitude fondamentale du praticien qui valorise l’humanité de son client et n’est détourné de cette estime par aucun comportement particulier de celui-ci. La particularité de cette attitude est d’être constante. Elle est le fait d’accepter le client de manière chaleureuse comme une personne de valeur même si le praticien n’aime ou n’approuve pas les comportements de celui-ci. C’est une attitude de respect qui affirme la valeur de la personne. Dans les faits il parait difficile de garantir « l’inconditionnalité ». Il s’agit d’être moins conditionnel que la plupart des autres personnes. Les personnes élevées selon le principe d’une valorisation conditionnelle oppressive, ont appris qu’elles n’ont de valeur que dans la mesure où elles se comportent selon les attentes des personnes significatives pour elles. D’où l’importance pour ces personnes de vivre l’expérience d’être estimées, de sentir qu’elles ont une valeur en soi, qu’elles se conforment ou non aux conditions qui leur ont été imposées toute leur vie. Cette attitude permet au client de contrer la valorisation conditionnelle et surtout d’augmenter l’estime qu’il se porte.
L’empathie et le regard positif inconditionnel se trouvent reliés dans la mesure où l’existence de l’un facilite le développement de l’autre.

« Oh quel réconfort ! quel réconfort inexprimable c’est de se sentir en sécurité avec quelqu’un ; ne pas avoir à peser ses mots ni mesurer la portée de ses paroles, mais les laisser se déverser tels qu’ils sont, le grain et l’enveloppe ensemble, en étant certain qu’une main fidèle les ramassera et les passera au tamis, conservera ce qui vaut la peine de l’être et, dans un élan de bonté, soufflera sur le reste .»

( Indiens Shoshone )

 

Josette Pariset

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